Cigarette, le secret du polonium 210 dans la fumée de cigarette

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Les fabricants savent depuis quarante ans que ce radio-élément dangereux est présent dans le tabac. Mais ils ont tout fait pour le dissimuler.

Philip Morris (PM), RJ Reynolds, British American Tobacco et toutes les « majors » de l’industrie du tabac ont volontairement caché au public pendant plus de quarante ans la présence dans les feuilles de tabac, les cigarettes et la fumée de tabac d’un élément radioactif dangereux et cancérigène, le polonium 210 (210Po).

C’est ce composé, un des radioéléments les plus toxiques, avec une activité spécifique qualifiée de « colossale » par le radiothérapeute parisien Jean-Marc Cosset, qui avait servi à assassiner l’ex-agent du KGB Alexander Litvi­nenko à Londres en 2006.

L’American Journal of Public Health a publié l’analyse de plus de 1 500 documents internes des firmes productrices de tabac qui a permis à Monique Muggli, une chercheuse de la Mayo Clinic aux États-Unis, de démontrer que les industriels savaient tout et n’ont rien dit. Paul Eichorn, dans un mémo de 1978 au vice-président de Philip Morris, conseillait de taire la présence du 210Po dans le tabac : « Nous risquerions de réveiller un géant endormi ! »

Le polonium 210 est un émetteur de radiations alpha si instable et dangereux qu’il est un des rares à n’avoir jamais été utilisé en médecine. Il provoque des cancers du poumon par inhalation :

il se dépose aux embranchements des bronches où il provoque le processus de cancérisation.

Un fumeur de 30 cigarettes par jour s’expose par sa présence dans la fumée à l’équivalent de dose de 300 radios de poumons par an ! Le 210Po serait responsable d’1 % de tous les cancers du poumon des Américains.

Si le 210Po est présent dans la fumée, c’est à cause des engrais riches en phosphates que l’on utilise pour cultiver le tabac. Ils sont extraits de mines d’apatites, une roche qui contient du radium et du polonium. En diminuant la teneur en azote de la plante, ils donnent son arôme spécial au tabac des cigarettes.

Dès les années 1960, les fabricants comme Philip Morris savaient que le 210Po contaminait leur tabac (environ 0,01 becquerel par gramme de tabac). Des documents des années 1970 montrent que Philip Morris voulait utiliser un solvant pour laver les feuilles et réduire la radioactivité de 10 à 40 %. Mais Ligget Tobacco Group, le 4 août 1975, conclut dans un autre mémo que les solvants lavent aussi toutes les « flaveurs aromatiques qui donnent au tabac son arôme désirable ». Fausse piste donc.

Documents cachés ou détruits

Au début des années 1980, Philip Morris charge le Dr Osdene, un de ses chercheurs, de monter un laboratoire pour mesurer les doses de rayonnements émis par le polonium du tabac. En septembre 2001, William Farone, un chercheur du groupe, témoigne au procès contre les manufacturiers américains :

« Nous pouvions mesurer la radioactivité de produits du tabac, pour retirer de la production certains qui étaient trop radioactifs pour atterrir dans les cigarettes. »

Mais l’existence même de ce laboratoire a fini par être jugée dangereuse par la firme : le vice-président de la recherche de Philip Morris, Richard Carchman et William Farone, témoigneront séparément que le groupe, sur les conseils de ses avocats, a fini par fermer ce laboratoire.

Trop dangereux si quelques plaignants pouvaient par la suite démontrer que PM « avait les moyens de faire une cigarette plus sûre mais ne l’a pas fait »

Les fabricants ont aussi testé des filtres pour éliminer le polonium inhalé par le fumeur : RJ Reynolds a ainsi réduit de 30 % la radioactivité contenue dans les gaz et les particules de la fumée des blondes Winston avec un filtre à la tourmaline (une pierre semi-précieuse). Là encore RJ Reynolds finit par renoncer.

Tous ces travaux finirent par être stoppés, les documents cachés ou détruits. Les avocats de Reynolds interdirent aux chercheurs comme Stewart Bellin de publier leurs résultats (mêmes ceux favorables à la firme) dès 1967.

Et les dirigeants ?

Geoffrey Bible, président de Philip Morris (plus de trente ans de maison), a témoigné publiquement en 1997 « qu’il ne savait pas que du polonium se trouvait dans les cigarettes Marlboro »

Source: Amessi