En Bretagne, le combat d’une jeune paysanne crée un buzz inattendu

La réalisatrice Marion Gervais ne s’attendait pas à un tel succès : son premier documentaire diffusé depuis fin avril 2014 sur TV Rennes et son site web associé a été visionné plus de 340 000 fois. Anaïs Kerhoas, la jeune agricultrice bretonne qu’elle a suivie pendant un an, y témoigne de son combat pour trouver un terrain où cultiver ses plantesVivifiant 

Une vraie Reine des prés

Elle est fraîche, dynamique et résolument déterminée à mener à bien son projet… au point de crever l’écran ! Petite, les odeurs et les fleurs l’attiraient déjà. Elle voulait être nez, puis fleuriste. C’est après son bac et suite à un voyage de six mois en Inde qu’elle se décide à suivre une formation de deux ans pour devenir herboriste – métier qui n’est plus reconnu officiellement mais permet d’accéder à des emplois très divers, dont celui de producteur de plantes alimentaires et médicinales, ce que fait Anaïs.

En 2011, un producteur de tisanes de la région de Quimper où elle est en stage la pousse à s’installer. « Je pensais que c’était plus pour les hommes, je n’y connaissais rien » confie celle qui se décide à suivre une formation agricole avant de suivre ce conseil.

Et c’est là qu’elle se confronte à la dure réalité des paysans d’aujourd’hui. Le premier terrain qu’elle loue ne lui permet pas d’avoir accès à l’eau ou à l’électricité. Ce qui l’a fait pester (« Je peux te dire, le plus beau village de France, ils vont le garder pour les touristes ») et l’incite à se défouler en désherbant, comme le montrent les premières minutes du documentaire :

Une leçon de vie

Plus tard, un ami lui dégote un terrain de 3300 mètres carrés sur lequel elle peut louer une petite maison, à Sainssur le canton de Pleine-Fougère. Elle y déménage la cinquantaine de variétés de plantes qu’elle cultive avec amour et sans relâche, jour après jour.

Et quand elle n’est pas dans les feuillages, c’est à la paperasse qu’elle s’attelle, pour assurer les ventes. « La commercialisation prend un temps fou. Je dois toucher beaucoup de clients pour vendre, et je ne peux pas fournir les grossistes, car mon coût de production est trop élevé », explique la jeune femme qui fait quelques marchés l’hiver, quand il n’y a plus de récolte, et quelques marchés d’été, le jeudi soir après sa journée en plein air.

Ne pourrait-elle pas travailler avec d’autres ? « Oh que non ! répond-elle, je n’ai pas envie de grossir, et quand on est deux on perd en liberté. Dans mon métier, on travaille plus que la plupart des gens pour un salaire plus bas (300 euros par mois), donc si je ne suis pas libre ça ne vaut pas le coût » La seule aide qu’elle accepte est celle de ses parents ou de son petit frère, pour aménager l’exploitation, mettre en sachet les plantes séchées ou gérer les commandes.

Pour elle, le plus compliqué est de savoir par où commencer: planter, désherber, faire les commandes, etc. La liste de choses à faire s’étend à l’infini. Sans parler de la pire des difficultés : trouver une terre où s’installer. « C’est la guerre, la terre : de nombreuses fermes cessent leurs exploitations tous les jours, elles ne sont pas reprises et vont souvent à l’agrandissement d’autres exploitations. Les agriculteurs sont payés à l’hectare, plus de terre pour gagner plus d’argent… moi ça me permettrait de vivre« . D’autant que la culture des plantes aromatiques et médicinales n’est pas chose commune dans son coin de Bretagne, et qu’elle fait souvent face à des réactions de méfiance…

A la lumière d’une jeune fille en fleur

En attendant, le succès du film lui vaut de nombreuses propositions (de commercialisation, de terrains, d’argent, d’outils et même de mariage!) mais Anaïs reste aussi simple que les plantes qu’elle chérit. Enracinée dans sa Bretagne natale, elle veut rester proche de sa famille et ses amis. « Je ne suis pas une solitaire, je ne supporte pas d’être loin des autres » déclare-t-elle.

Face au succès du film, la boîte de production Quark Production a lancé une collecte sur la plateforme de finance participative Ulule qui a rempli 261 % de son objectif afin d’aider la jeune agricultrice à acquérir son propre terrain. « Je fais ce que j’ai envie de faire et je crois que cela réveille un peu l’instinct de vie des gens » commente la jeune femme. « Ça demande de l’énergie d’aller au bout de ses envies, mais si c’est pour faire ce que l’on aime, le jeu en vaut la chandelle. Il faut oublier ses peurs » ajoute-t-elle.

Marion Gervais reconnaît que la force du documentaire tient dans la détermination d’Anaïs : « elle vit dans le même village que moi, elle était dans son champs, j’ai été saisie par sa manière d’être au monde, on s’est reconnue, et j’ai tout de suite eu envie de la filmer, elle et son combat » explique la réalisatrice pour qui son côté absolu, entier et sans concession donne envie d’aller au plus près de soi.

Dans la vidéo suivante, réalisatrice et agricultrice reviennent en détail sur les répercutions de ce succès inattendu :

Ah, si tout était si simple… n’est-il pas ?

Anne-Sophie Novel / @SoAnn sur twitter

Même pas mal

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