Un scrutin agricole sous haute tension
À l’occasion des élections professionnelles des Chambres d’agriculture, qui se sont déroulées du 7 au 31 janvier 2025, l’association L214 a diffusé une série documentaire inédite intitulée La FNSEA, syndicat de l’agriculture intensive. Cette série arrive à un moment stratégique : plus de 2,2 millions de professionnels agricoles étaient appelés à désigner leurs représentants, dans un vote déterminant pour l’avenir des politiques agricoles françaises et la répartition des financements publics attribués aux syndicats.
À travers trois épisodes, le documentaire dévoile les rouages de la FNSEA, principal syndicat agricole français, en mettant en lumière son influence politique, son rôle dans la transformation de l’agriculture et les conséquences désastreuses de ses choix sur les éleveurs, les animaux et l’environnement. Images d’archives, témoignages d’éleveurs et animations graphiques se conjuguent pour construire une enquête dense et percutante.
Épisode 1 : un syndicat au lourd bilan
Une modernisation brutale du paysage agricole
Le premier épisode retrace la naissance de la FNSEA en 1946, dans un contexte de reconstruction d’après-guerre. Dans une volonté de modernisation accélérée, le syndicat a impulsé une industrialisation à marche forcée : remembrement des terres, mécanisation, spécialisation des productions, disparition des petites exploitations au profit d’unités intensives.
Aujourd’hui, le secteur de l’élevage représente un chiffre d’affaires annuel de 40 milliards d’euros, s’étend sur 28 millions d’hectares, et semble florissant. Pourtant, les effets de ce modèle sont alarmants.
Un lourd tribut environnemental et animal
Chaque année, 1,2 milliard d’animaux sont tués en France, dont 80 % issus d’élevages intensifs sans accès à l’extérieur. Ce type d’élevage participe massivement aux émissions de gaz à effet de serre, plaçant l’agriculture comme la deuxième cause du réchauffement climatique dans le pays.
Ce premier épisode pointe également l’influence écrasante de la FNSEA sur les politiques publiques, la qualifiant de véritable lobby agricole, souvent considérée comme incontournable dans les sphères de décision.
Épisode 2 : le malaise des éleveurs
Une crise humaine profonde
Le deuxième épisode donne la parole aux éleveurs, décrits comme les grandes victimes du modèle promu par la FNSEA. Leurs témoignages révèlent une réalité douloureuse : longues heures de travail, dettes écrasantes, isolement, dépression. Philippe Grégoire, éleveur, déclare : « Les gens ne veulent pas reconnaître qu’ils se sont fait piéger, ils ne veulent pas reconnaître qu’ils font 70 h et qu’ils gagnent moins que le voisin qui est salarié. »
Les données chiffrées soulignent cette précarité : le revenu mensuel moyen d’un agriculteur est de 834 euros. En 2016, 529 agriculteurs se sont suicidés. En 2021, 2 485 ont fait une tentative de suicide.
Une spirale d’endettement encouragée
Ce mal-être est renforcé par des dettes colossales. En moyenne, les éleveurs de volailles sont endettés à hauteur de 257 100 euros, et ceux de cochons jusqu’à 431 400 euros. Le documentaire dénonce la responsabilité de la FNSEA dans cet engrenage, en favorisant un modèle d’agrandissement continu, où les exploitants doivent produire toujours plus pour survivre, au prix de leur santé et de leur autonomie.
Épisode 3 : la mafia de l’agroalimentaire ?
Une machine économique bien huilée
Dans ce dernier épisode, la série dévoile la toile d’araignée d’intérêts tissée par la FNSEA au sein du monde agroalimentaire. Le syndicat contrôle 97 des 102 chambres d’agriculture, et détient un vaste réseau de filiales dirigées par des personnalités proches de ses intérêts économiques.
La figure d’Arnaud Rousseau illustre cette imbrication : président de la FNSEA et dirigeant du groupe agro-industriel Avril. Ces doubles casquettes posent la question de la véritable mission du syndicat : défendre les agriculteurs ou maintenir les profits des grandes coopératives ?
Un pouvoir politique hors norme
L’influence du syndicat dépasse les sphères économiques. Historiquement, la FNSEA entretient une proximité étroite avec l’État. L’historienne et politologue Isabelle Boussard rappelle : « Jusqu’en 81, elle (la FNSEA) a été parfaitement hégémonique. Elle était le seul vrai interlocuteur du pouvoir politique et en particulier on disait jusque-là que le président de la FNSEA était une sorte de vice-ministre de l’agriculture. »
Ce lien privilégié avec les gouvernements successifs permet à la FNSEA d’imposer sa vision de l’agriculture, souvent au détriment de la biodiversité, des petits producteurs et des droits des animaux.
Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « Cette série montre comment la FNSEA, sous couvert de défendre les agriculteurs, a transformé l’agriculture en une machine à profit pour les grandes industries. Il est temps de remettre en question ce modèle destructeur pour les agriculteurs, les animaux et l’environnement. »
Source : mrmondialisation.org