En France, chaque année en octobre, les campagnes d’information sur le dépistage du cancer du sein se multiplient, incitant des millions de femmes à participer au programme de dépistage organisé. Destiné aux femmes de 50 à 74 ans, ce dispositif vise à détecter précocement les tumeurs, dans l’espoir de réduire la mortalité liée à ce cancer. Pourtant, derrière l’unanimité apparente de la communication officielle, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un bilan décevant, une communication partiale et des effets secondaires méconnus. L’UFC-Que Choisir, en particulier, accuse l’Institut national du cancer (INCa) de diffuser une information déséquilibrée, voire trompeuse, qui nuit au droit des femmes à un consentement éclairé. En s’appuyant sur des rapports d’experts, des études indépendantes et ses propres analyses, l’association met en lumière les limites du dépistage, les risques de surdiagnostic, et le manque de transparence institutionnelle.
Un bénéfice très modeste sur la mortalité
Les autorités sanitaires justifient le dépistage organisé par son impact supposé sur la mortalité. Pourtant, une analyse de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), relayée par l’INCa lui-même, montre que les bénéfices sont bien plus faibles qu’attendus. Sur 1000 femmes dépistées pendant 10 ans, seul un décès serait évité. Ce chiffre, pourtant issu des institutions officielles, est rarement mis en avant dans les campagnes publiques.
Cette estimation est d’autant plus significative qu’elle repose sur des données accumulées depuis le lancement du programme en 2004. En dépit de l’extension du dépistage à tout le territoire et des nombreux moyens engagés, les résultats sur la réduction réelle de la mortalité restent très limités. Pourtant, la communication officielle continue de promettre une efficacité supérieure à ce que les données permettent de conclure.
Des effets secondaires nombreux et minimisés
À côté du bénéfice faible sur la mortalité, les risques associés au dépistage sont nombreux. Le principal danger évoqué est le surdiagnostic, c’est-à-dire l’identification de cancers qui n’auraient jamais évolué ni causé de symptômes. Ces diagnostics mènent à des traitements lourds : chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie, voire chimiothérapie, avec leurs cortèges d’effets secondaires.
Selon les évaluations disponibles, entre 10 et 20 femmes sur 1000 dépistées seraient concernées par un surdiagnostic. Cela signifie que le nombre de femmes traitées inutilement est jusqu’à vingt fois supérieur au nombre de vies potentiellement sauvées. Le Pr Bernard Junod, cité par Que Choisir, affirme ainsi que « la médecine préventive, lorsqu’elle est mal encadrée, peut rendre malades des gens bien portants ».
Outre le surdiagnostic, les dépistages peuvent provoquer des faux positifs, entraînant stress, examens invasifs, et angoisse prolongée. Ces effets secondaires sont rarement mis en avant dans les supports d’information officiels, ce qui constitue, selon l’UFC-Que Choisir, une atteinte au droit à une information complète et loyale.
Une communication publique biaisée
Malgré les données scientifiques disponibles, la communication de l’INCa reste résolument positive, voire promotionnelle. Dans ses brochures, sites web et campagnes visuelles, l’Institut affirme que « le dépistage permet de sauver des vies » ou encore que « les traitements sont plus légers quand le cancer est détecté tôt ». Ces affirmations ne sont pas systématiquement accompagnées d’éléments de contextualisation ou de mention des risques encourus.
En 2018 déjà, l’UFC-Que Choisir dénonçait une campagne de sensibilisation qui passait sous silence les inconvénients majeurs du dépistage. En 2021, l’association renouvelait ses critiques, accusant l’INCa de « travestir la vérité scientifique » et de diffuser des messages orientés, contrevenant à son obligation légale d’informer de manière neutre et complète.
Une étude citée par Que Choisir montre que 74 % des femmes surestiment les bénéfices du dépistage, ce qui traduit l’impact direct de cette communication déséquilibrée. L’UFC insiste sur le fait qu’aucun choix médical ne peut être libre sans une information fidèle à la réalité scientifique.
Une action en justice pour rétablir l’équilibre
Face à l’inaction de l’INCa, l’UFC-Que Choisir a engagé une procédure judiciaire pour exiger une révision des supports d’information diffusés aux femmes. L’objectif est de faire appliquer les obligations du Code de la santé publique, qui impose une information complète, objective et accessible sur les avantages et les inconvénients de tout acte de santé, y compris les dépistages.
L’association réclame que les brochures officielles soient corrigées pour inclure les notions de surdiagnostic, de faux positifs, et pour chiffrer clairement le rapport bénéfice/risque. Elle rappelle que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, ont déjà adopté une approche plus équilibrée, en fournissant des guides décisionnels complets et neutres à leurs citoyennes.
Le surdiagnostic, une problématique médicale générale
L’article de Que Choisir intitulé « Surdiagnostics – Quand la médecine nous rend malades » élargit la réflexion en soulignant que le surdiagnostic n’est pas propre au cancer du sein. Il touche également d’autres pathologies comme le cancer de la prostate ou la thyroïde, avec les mêmes conséquences : traitements inutiles, effets secondaires évitables, et anxiété prolongée.
Selon des experts cités, dans certains cas, jusqu’à 50 % des cancers détectés via des dépistages peuvent être considérés comme surdiagnostiqués. L’exemple du cancer du sein illustre donc une tendance plus large, où la médecine préventive, mal calibrée, peut parfois faire plus de mal que de bien.
Sources:
Cancer du sein – Les résultats décevants du dépistage – Enquête – UFC-Que Choisir
Dépistage du cancer du sein – Quand l’Institut national du cancer dérape – Actualité – UFC-Que Choisir
Dépistage du cancer du sein, l’INCa fournit aux femmes une information incomplète et partiale – UFC-Que Choisir
Surdiagnostics – Quand la médecine nous rend malades – Enquête – UFC-Que Choisir
Dépistage du cancer du sein – Une campagne trompeuse – Actualité – UFC-Que Choisir