Des légumes en bocaux faits maison, qui se conservent un an et plus, sans stérilisation, sans congélation, c’est possible ?

Il faut ajouter aussi : qui ont encore plus de vitamines que les légumes frais… Oui, c’est possible et c’est même très bon. Oubliez tout ce que vous avez appris et redécouvrez ce procédé simple comme un jeu d’enfant, connu depuis au moins dix mille ans : la lacto-fermentation.

Et c’est joli, sur une étagère de la cuisine. Oui, cela se conserve même à température ambiante.
De gauche à droite rangée du fond : ketchup posé sur un pot de choucroute, haricots verts à la sarriette, kimchi, tomates cerises. Rangée du milieu : radis au basilic, cornichons aux aromates, chou-rave aux graines de moutarde. Devant : piments rouges et verts.

Comment est-ce possible ?

La lacto-fermentation est un procédé de conservation utilisé depuis le néolithique, excusez du peu, et qui consiste à laisser macérer les aliments avec du sel, ou bien les plonger dans une saumure, en l’absence d’air. Il se produit alors une fermentation, c’est à dire une activité microbienne qui va secréter des substances, entre autres de l’acide lactique, du gaz carbonique et divers enzymes. Dès le départ, Leuconostoc mesenteroides commence  à travailler, puis d’autres bactéries lactiques, comme par exemple Lactobacillus plantarum et Lactobacillus cucumeris, prennent le relais. L’acide lactique produit inhibe complètement tous les micro organismes susceptibles de provoquer la putréfaction. Au bout d’un moment, la teneur en acide atteint un certain niveau, le milieu s’équilibre, et la fermentation s’arrête d’elle-même. A ce stade, la conservation peut durer plusieurs années, même à température ambiante.

Des aliments délicieux, économiques et aussi très bons pour la santé

Non seulement ce mode de préparation préserve les vitamines et les éléments nutritifs des aliments, mais il en augmente même la teneur, surtout pour la vitamine C et celles du groupe B, PP et K. La fermentation améliore la digestibilité des produits et leur assimilation par notre organisme. Elle diminue la teneur en nitrates des légumes. Elle dégrade en partie les pesticides qui peuvent être présents dans les végétaux. Elle crée des substances antibiotiques qui luttent contre les microbes pathogènes. Elle renforce  aussi l’efficacité de notre système immunitaire.

On cite toujours l’exemple des marins du capitaine Cook qui, pendant un an de voyage, furent exempt du scorbut grâce aux tonneaux de choucroute embarqués à bord. Les bactéries lactiques sont très bénéfiques pour notre organisme : ce sont les fameux « probiotiques » que les laboratoires pharmaceutiques et l’agro-industrie vous vendent à prix d’or soit en gélules ou sous forme de lait épaissi et sucré dans des pots en plastique. Alors arrêtez l’actimachin et le bifidotruc, mangez tout simplement des aliments lacto-fermentés, non seulement vous vous régalerez, vous ferez des économies, et vous passerez l’hiver aussi bien, sinon mieux car vous aurez évité de vous gaver de sucre et d’arômes artificiels dont ces produits industriels sont truffés !

Quels sont ces aliments ?

La choucroute est lacto-fermentée, les cornichons dits « malossols » le sont aussi, ainsi que les pickles : olives, câpres… Le terme anglais pickle par lequel on les désigne vient du néerlandais pekel, qui signifie  « saumure ». Les achards indiens, les encurtidos espagnols, le kimchi coréen et les tsukemonos japonais sont des lacto-fermentations. Aujourd’hui, pour aller plus vite, on fabrique la plupart des pickles et des cornichons au vinaigre, mais autrefois, c’était la lacto-fermentation qui leur donnait leur si délicieuse acidité, pas le vinaigre (qui est, au passage, aussi un produit fermenté). De même la fameuse soupe polonaise ou russe appelée bortsch, à la saveur aigre-douce, dans la quelle on met des betteraves et du vinaigre, était autrefois à base de betteraves lacto-fermentées, et on n’avait donc pas besoin de rajouter le vinaigre pour donner l’acidité.

La viande salée en saumure, comme le jambon, lard, kassler et autres palettes demi-sel sont également des lacto-fermentations. C’est aussi la fermentation lactique qui produit les sauces de poissons de type nuoc mam, les anchois au sel, le saumon fumé (qui est salé avant d’être fumé) le caviar, la poutargue et les harengs saurs…

On peut lacto-fermenter n’importe quel légume : le chou et les cornichons, évidemment, mais aussi les haricots verts, les carottes, les poivrons, les tomates, les courges et courgettes, les aubergines, les concombres, les navets, les radis, le céleri, les herbes aromatiques ; mais aussi des fruits : le melon comme en Turquie, les prunes comme au Japon, les cerises en Europe centrale, les pommes et les poires… enfin pratiquement tous les végétaux comestibles. C’est très facile à faire, ça ne demande aucune énergie : pas besoin de chauffer pour stériliser, pas besoin de frigo ou de congélateur. Il faut juste avoir du sel et un récipient propre.

Est-ce dangereux ?

On peut rater des conserves appertisées, et c’est même très dangereux, voire mortel si la toxine botulique fait son apparition. Un aliment congelé peut aussi devenir dangereux si le congélateur tombe en panne et repart inopinément.Mais la lacto-fermentation est absolument sûre à 100 % ! On ne connait pas un seul cas au monde, présent ou passé, de maladie ou de décès dû à l’absorption d’un aliment lacto-fermenté. C’est facile : si jamais la fermentation ne se passait pas correctement, ou si elle n’avait pas lieu, l’aliment prendrait alors une couleur bizarre, un aspect immonde et surtout une odeur et une saveur absolument repoussantes, ce qui fait qu’aucun être humain n’aurait l’idée de le manger. Il n’est pas possible de se tromper.

Donc je résume : teneur en éléments nutritifs augmentée, sécurité alimentaire absolue, aucun besoin d’énergie pour le mettre en œuvre. Quels autres moyens de conservatio en font autant ? Ni l’appertisation, ni la congélation ne peuvent rivaliser avec ça. Non seulement ça n’a jamais empoisonné personne, mais en plus ça a sauvé des populations de la maladie et de la famine.

Il faut habiter à la campagne ?

Autrefois on faisait les conserves lacto-fermentées dans de grandes jarres, qu’on gardait à la cave pour tout l’hiver. On prélevait au fur et à mesure les quantités dont on avait besoin. Aujourd’hui, les conditions de vie ont changé, et si on habite en ville dans un appartement, on peut très bien les faire dans des bocaux en verre à fermeture mécanique et à joint caoutchouc, type Le Parfait. Au lieu de prélever dans une grande jarre, on ouvre un bocal quand on en a besoin. C’est d’une réalisation tellement enfantine que je me demande bien pourquoi cela a disparu.

Comment on fait ?

Il faut avoir des bocaux, des légumes frais, du sel, de l’eau et… environ 15 minutes. Vous pensez pourvoir réunir tout ça ? Alors je vous expliquerai tout en détail dans de prochains billets.

Marie-Claire Frédéric, auteur du livre « Ni cru ni cuit », Alma éditeur.

>> Tuto vidéo sur la lactofermentation

Sa formation en Histoire de l’Art n’a pas empêché Marie-Claire Frédéric de devenir journaliste culinaire, la gourmandise ayant été la plus forte. Ses recettes ont paru dans plusieurs magazines de cuisine (Guide Cuisine, Gala gourmand, Intense) et aujourd’hui dans Cuisine Actuelle. Elle a également publié une dizaine de livres aux éditions First, dont : « la ronde des macarons » et « Ultra fondant ». Elle s’intéresse à tout ce qui touche à la cuisine et la gastronomie, son histoire, sa géographie, sa relation avec les sociétés, la culture, les traditions populaires, et toutes les activités humaines. En 2008, elle crée le blog « Du miel et du sel » par lequel elle essaie de transmettre sa passion du bien manger et du fait maison. Et en 2014, un nouveau blog « Ni cru ni cuit » vient compléter le livre du même titre, en apportant des recettes, des histoires et des actualités concernant les aliments fermentés. C’est encore une affaire de gourmandise que de s’intéresser aux aliments fermentés, pain, vin, fromage, saucisson, olives et choucroute, caviar ou nuoc mam. Mais pas seulement ! C’est aussi une affaite de sciences humaines. Les aliments fermentés la passionnent depuis qu’elle a observé leur caractère exceptionnel dans l’alimentation, dont ils représentent, partout dans le monde, l’aristocratie. Ils sont remplis de paradoxes, à la fois particuliers et universels, naturels et culturels, délicieux ou répugnants, mais toujours identitaires et hautement liés à la culture. De plus ce sont des aliments  partout considérés comme apportant santé et longue vie. Avant d’avoir commencé son étude, elle n’imaginait pas à quel point cela l’emmènerait vers des horizons touchant au plus profond de l’histoire et des civilisations humaines.

Source : Ni cru ni cuit

3 commentaires à “Des légumes en bocaux faits maison, qui se conservent un an et plus, sans stérilisation, sans congélation, c’est possible ?”

  1. Éric G. Delfosse dit :

    Miam…

  2. Saïdi dit :

    Bonjour, avec tous le sel qu’il ya dedans ,comment ou que doivent faire les hypertendus ?

  3. Lucille Poulin dit :

    Combien de sel de mer faut-il ajouter dans un bocal 500 mg ?

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